Rencontre avec Laëtitia Redel

Peux-tu te présenter en 3 phrases ?

Je me vois comme une femme papillon : une femme qui vient de sortir de son cocon (qui ose enfin être elle-m’aime).

Je suis mariée à un homme qui me soutient quoi que j’entreprenne et l’heureuse (et fatiguée 🙂 ) maman de deux petits garçons âgés de 5 et 3 ans. 

Educatrice de jeunes enfants, j’ai été directrice adjointe d’un multi-accueil associatif à gestion parentale pendant 11 ans puis, suite à un licenciement économique, j’ai créé avec mon amie et collègue un organisme de formations pour les professionnels de la petite enfance et de l’éducation, L’Univers de Syléty. 

Tu es aussi l’autrice du livre pour enfant « Nom de code : Hyper-Sensible », est-ce que tu peux nous présenter de quoi il s’agit ?

Il s’agit d’un livre illustré pour enfants (5 – 10 ans environ mais j’aime l’idée qu’il puisse être lu à des plus jeunes sans attente particulière : l’enfant prend ce dont il a envie et besoin sur le moment. Tout comme il peut être proposé à des plus âgés). Il parle de l’hypersensibilité. Gabriel est ému en écoutant une histoire et se cache. Sa maman lui explique alors que cette particularité est un superpouvoir si la personne concernée apprend à s’écouter, à poser des limites et à se ressourcer. C’est le message que j’aimerais transmettre aux enfants. Il y en a un second : « Tu es toi et c’est OK. Tu es merveilleux. » Parce que souvent, on se sent différent des autres, incompris et on peut douter de soi. Non ! On est génial comme on est ! Et puis dans ce livre, il y a des images pour que les enfants retiennent plus facilement une idée (ex : la voiture tombe en panne si on ne remet pas d’essence. C’est comme nous : si on ne recharge pas nos batteries, à un moment on ne pourra plus avancer. D’ailleurs, l’éclair sur le pull de Gabriel correspond à un niveau de batterie : chargée (colorée) quand il est « HS, Hyper-Sensible » et vide (grise) quand il est « HS, Hors-Service »). Des parents qui ont lu le livre m’ont dit qu’ils auraient aimé l’avoir enfant, qu’il permet de mieux (se) comprendre et qu’il leur donne des idées de mots à utiliser avec leur enfant. J’en suis ravie ! Si mon travail peut aider petits et grands à avancer ensemble, si les enfants peuvent se sentir mieux, même un peu, alors j’aurai réussi.

D’où t’es venue l’idée de ce livre ?

Je suis moi-même hypersensible. Je l’ai longtemps vécu comme un fardeau. « T’es trop ceci. T’es trop cela. Tu prends tout trop à coeur. » Etc. Je ne voulais pas que mon aîné, hypersensible aussi, le vive de la même manière. Aujourd’hui, après un gros travail sur moi, je vis mon hypersensibilité comme un cadeau mais j’ai compris l’importance de ne pas me laisser « bouffer » par ce que je ressens et vis. J’avais donc envie d’un livre sur lequel m’appuyer pour en parler à mon fils. C’est lui qui a inspiré cette histoire. Gabriel, le personnage principal, lui ressemble beaucoup. Et puis, je me suis mise à rêver, à me dire que ce livre pourrait peut-être aider d’autres enfants et leurs parents. Je me suis donc lancée dans l’auto-édition, après avoir fait taire la petite voix qui me soufflait que je n’en étais pas capable…

J’ai écrit le livre, coachée par Marilyse Trécourt, auteure et coach littéraire. J’ai réalisé les dessins à la main et mon frère, Florian, les a repris sur ordinateur et les a colorisés.

C’est un projet de famille, d’où notre nom : Les Z’Aubry. J’en profite pour remercier tous les contributeurs Ulule qui m’ont soutenue.  

À quelle période de ta vie as-tu découvert que tu étais toi-même hypersensible ?

Je crois que j’ai toujours su que je l’étais sans mettre ce mot dessus. On en parlait moins qu’aujourd’hui. Plus je lis sur le sujet et plus je comprends que c’est mon fonctionnement, que c’est normal, que je ne peux pas le changer et c’est plus facile parfois d’ accepter certaines de mes réactions. J’attends que ça me traverse. J’essaie surtout de me protéger. Avant, j’étais « trop gentille » par exemple. Je suis toujours la même. Je suis fière de ma gentillesse mais désormais, je m’interroge : c’est ok pour moi ou non ? Je m’écoute davantage et j’ose dire « non » (avec beaucoup de tact évidemment ! 🙂 ).

Quelles sont les 3 choses que tu aimes le plus en lien avec ton hypersensibilité ?

J’aime ma grande sensibilité qui m’offre un regard différent sur ce et ceux qui m’entourent. Je vois le côté humain avant toute autre chose et la beauté des petits riens, ce qui fait un bien fou.

Je suis fière d’être aussi empathique et amoureuse d’autrui, de me mettre à la portée des autres, d’être là pour eux (mais aussi pour moi maintenant ! Je tente de ne plus m’oublier).

Et ma créativité. Quand je crée, que ce soit une histoire, un dessin, un plat, que je jardine, que j’imagine un nouveau jeu avec mes fils (genre un parcours avec du scotch de peintre au sol ou du slime maison, etc.), je me sens MOI. On m’a souvent dit que je suis une boîte à idées. J’ai toujours au moins un nouveau projet. Je me fatigue parfois moi-même 🙂 mais j’adore ça !

Quelles sont tes 3 plus importantes valeurs dans la vie ?

La tolérance sans hésiter ! Je rêve d’un monde dans lequel on saura s’enrichir des différences des autres…

Le respect. ça paraît bateau mais il en manque encore beaucoup. Je pense surtout aux enfants. En tant qu’éducatrice de jeunes enfants, je suis évidemment très touchée de la façon dont on accompagne les enfants. Je ne supporte pas le rapport de force, le « moi je sais parce que je suis l’adulte ». Je ne suis pas pour autant laxiste dans l’éducation, au contraire : il y a un cadre mais qui prend en compte l’enfant : là où il en est physiquement et émotionnellement, son histoire, ses besoins, ses envies, ses goûts, ses centres d’intérêt… tout ce qui fait qu’il est LUI et je rêve qu’il se sente LUI toute sa vie, qu’il sache qui il est. C’est si important.

Le partage parce que « seul, on va vite mais ensemble, on va plus loin ». Parce que main dans la main, on peut faire de grandes choses. Chacun sa part mais ensemble (j’ai d’ailleurs un colibri tatoué sur le bras 🙂 J’adore cette légende et la raconte souvent aux enfants et aux adultes que je rencontre). On s’apporte tant mutuellement quand c’est fait avec respect et bienveillance.

Quelles solutions as-tu trouvées pour gérer les principaux challenges de ton hypersensibilité, les côtés moins fun ?

Le plus gros challenge, c’est de ne pas absorber les émotions des autres. Je ressens comme un courant électrique dans ma poitrine immédiatement quand je vois une personne pleurer, que j’entends un témoignage qui me touche… Je me répète que ce n’est pas mon émotion, tel un mantra. Et que je ne suis pas responsable de ce qui lui arrive, ni de la solution. Je peux seulement être là en renfort mais je dois me le rappeler encore souvent. J’ai compris que je peux être à côté d’une personne pour l’aider mais que je ne dois plus la porter. ça fait une grande différence.

Autre challenge : le bruit. Je ne sais pas comment j’ai fait pour travailler en crèche pendant tant d’années ! 🙂 Aujourd’hui, le bruit m’agresse rapidement. J’aime le calme, voire le silence. J’ai un casque pour créer ma bulle et surtout, je verbalise à ma famille ce que je ressens et ce que je vis. Je m’appuie sur le livre que j’ai écrit. Je dis à mes fils : « Vous savez, c’est comme pour Gabriel. ça me donne mal à la tête. » Et mon aîné qui me répond : « maman, mets tes mains sur tes oreilles pour te créer un super-casque. » 🙂

Autre solution pour mieux vivre mon hypersensibilité : échanger avec d’autres hypersensibles. J’ai des amies qui le sont, une cousine aussi et ça aide énormément. C’est ressourçant de se sentir compris.

Quel est LE truc que tu as appris à propos de l’hypersensibilité qui a le plus changé ta vie ?

Que ça fait partie de moi, comme la couleur de mes yeux par exemple et que ça ne peut pas (et ne doit pas) être changé. Je peux m’adapter, apprendre à vivre avec mais pas changer. Nous sommes merveilleux comme nous sommes.

Cette vidéo m’a beaucoup touchée : « Lettre d’une hypersensible, à toi qui ne comprends pas toujours… » (https://www.youtube.com/watch?v=UNgvOCYWrbU

Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours professionnel ? Comment et pourquoi as-tu choisi ton métier actuel ?

J’ai toujours voulu travailler pour les enfants (pas forcément avec eux mais pour eux afin de contribuer à un mieux). Petite, j’ai voulu être maîtresse, puis juge pour enfants. J’ai pensé travailler dans la protection de l’enfance et j’ai découvert le métier d’éducateur de jeunes enfants à 18 ans : accompagner les tout-petits et leurs parents. J’ai obtenu mon diplôme en 2005. J’ai depuis un rôle de soutien et je me sens un peu le porte-parole des jeunes enfants qui ne peuvent pas encore expliquer ce qu’ils pensent, vivent et ressentent. Aujourd’hui, je le fais différemment que lorsque je travaillais en crèche. Je participe à la formation des professionnels de la petite enfance et de l’éducation et j’écris des livres (je dis « des » car le second autour de la morsure et le troisième autour de la mort sont en cours de création).

Mon métier s’appelait auparavant « jardinière d’enfants ». J’aime bien cette idée en vrai ! Parce que dans nos métiers (éducation, social, …), nous avons le sentiment de semer des graines pour un monde meilleur. Quand je travaillais en crèche, je semais des graines dans ma structure. Aujourd’hui, j’en sème dans le cœur et la tête de nombreux professionnels qui repartent sur leur lieu d’accueil et en font de même ensuite. Je trouve ça magnifique. Dans l’idée du partage et du respect dont je parlais plus haut. Chacun peut être un colibri.

Est-ce que tu connais ton type de personnalité MBTI ?

Non mais ça m’interpelle. Je vais regarder 🙂

Est-ce que tu accepterais de nous parler un peu de ton enfance ?

Je suis née et ai toujours vécu près de Nancy, en Lorraine. Je suis l’aînée de 4 enfants. J’ai 3 petits frères avec lesquels je m’entends bien. On ne se voit pas forcément souvent mais on sait que si l’un a besoin, les autres rappliqueront. 

Maman a longtemps été assistante maternelle. Nous étions parfois 9 enfants à table les midis. Avec le recul, je pense que ça a influencé mon choix de métier.

J’ai des parents qui ont de l’or dans les mains. La créativité est dans mes gênes.

J’étais une petite fille sage qui n’osait pas dire « non », voulait toujours faire plaisir… Je me suis fait « bouffer ». ça fait seulement un an et demi que je m’autorise à faire et dire ce qui résonne en moi (j’ai 39 ans !). Il m’a fallu faire un gros travail pour déconstruire des croyances et règles que je m’étais fixées. Ça n’a pas été facile, j’ai beaucoup pleuré mais je me sens tellement plus légère ! 

Si tu pouvais t’envoyer une lettre à toi-même dans le passé, à tes 16 ans, que te dirais-tu ? Quels mots choisirais-tu pour convaincre ton toi plus jeune de t’écouter ?

Je me dirais : « Ne sois pas si dure avec toi. Tu as beaucoup à offrir mais tu le feras bien si tu t’écoutes. Prends le temps d’écouter ce que ta tête chuchote, ce que ton corps dit et ce que ton cœur te crie. »  Et j’ajouterais : « Tu accordes beaucoup d’importance au regard des autres mais la plupart de ces autres ne sont que de passage dans ta vie. La seule personne avec qui tu resteras toujours, c’est toi ! Alors c’est ton regard et seulement TON regard qui doit importer. Sois fière de ce que tu fais et de qui tu es. Même si ce que tu entreprends n’aboutit pas, tu auras essayé. Je t’aime. »

Quels sont les 3 livres qui t’ont le plus influencé ? Pourquoi ?

« Le bébé est une personne » de Bernard Martino. Je l’ai lu au début de mes études. Il m’a fait prendre conscience de tout ce que l’enfant (depuis sa vie utérine) ressent et comprend. Et donc de l’importance qu’a notre attitude envers lui.

« Et tu trouveras le trésor qui est en toi » de Laurent Gounelle. Je n’ai pas pu le lâcher. J’ai pleuré plusieurs fois. Le message est si fort ! On peut chercher la réponse dans toutes les religions qui existent (je suis croyante) mais en vrai, elle est en toi.

« Suis-je hypersensible ? » de Fabrice Midal. Après sa lecture, j’ai eu le sentiment de mieux me connaître et je garde ce livre pour le partager avec mon fils quand il aura l’âge de le lire.

Qui sont les 3 personnes qui t’inspirent le plus ? Pourquoi ?

Ma grand-mère maternelle, mèmère Maguitte. J’ai toujours été proche d’elle. Elle était très croyante et s’évertuait à faire le bien autour d’elle. Elle m’a transmis de nombreuses valeurs.

Et plusieurs femmes de ma lignée en font de même (maman, ma tante, ma cousine).

Mon mari. Il sait relativiser. Il m’apprend à prendre du recul. Et il avance professionnellement en autodidacte depuis toujours. Il peut être fier de son parcours ! Je le suis ! Et j’aime son exemple pour montrer (à nos enfants premièrement) qu’il n’y a pas qu’un seul chemin pour aller là où on veut.

Aurore Cavalière propose un accompagnement au réveil des femmes. J’ai suivi plusieurs programmes avec elle et elle m’a énormément aidée à être moi-m’aime. S’autoriser à : à dire, à ressentir, à penser, à vivre, à être ! Oser rêver grand. Se dire que tout est possible, que nous sommes capables de tout. Que nous créons notre vie. Elle m’inspire pour aller vers le mieux (le mieux de moi-même et le mieux dans ma vie.)

Qu’est-ce que tu aimes le plus culturellement ?

J’aime les histoires vraies, les histoires de vie, que ce soit à travers des livres, des films ou des documentaires. On apprend beaucoup des autres. Certains nous inspirent.

Je dévore les romans feel-good.

J’adore visiter d’anciens monuments, des vestiges et ruines et imaginer la vie qui les a habités.

À quoi ressemble ta journée parfaite ?

Oulah ! Maman de deux enfants en bas âge, si j’avais une baguette magique, ma journée commencerait par une grasse matinée ! 🙂

Les rayons du soleil viendraient me réveiller délicatement, l’homme que j’aime à mes côtés. Les enfants nous rejoindraient pour un gros câlin collectif !

Petit déjeuner en famille sur la terrasse, avec le champ à perte de vue derrière la maison et le chant des oiseaux.

Chacun se prépare dans la bonne humeur.

Le matin, je travaille.

Le midi, je déjeune avec maman, ma cousine ou une amie.

L’après-midi, je me balade en forêt et vais chercher les enfants à l’école.

Nous passons par le parc avant de rentrer à la maison.

Douche en autonomie puis préparation du repas en famille.

Lecture cocooning avec les enfants puis câlin « bonne nuit ».

Soirée auprès de mon amoureux à refaire le monde, notre monde.

Est-ce que tu pourrais nous partager une de tes habitudes où tu connais peu ou pas de gens faisant comme toi ? 

J’ai honte ! 🙂 J’ai longtemps été cocalique… Je buvais même du coca light au petit déjeuner… ça fait rêver, hein ? 

À quoi ressemblent tes meilleurs clients, ceux avec lesquels tu as le meilleur feeling ?

Je n’aime pas trop le terme de client. Avec les professionnels qui suivent les formations, je nous considère comme des collègues qui allont apprendre les uns des autres. 

Avec les parents que je rencontre, nous sommes partenaires dans l’éducation de leur enfant.

Et les enfants ne sont pas des clients, simplement des personnes à accompagner avec considération.

Les adultes avec lesquels j’ai le meilleur feeling, ce sont ceux qui partagent les mêmes valeurs éducatives ou la même envie de réfléchir à nos pratiques et propositions pour toujours faire mieux.

Quels sont les principaux problèmes et les croyances limitantes de tes client.es ?

Ce n’est pas facile de se remettre en question parce que ça touche souvent à l’éducation qu’on a reçue et à notre histoire. Mais nos parents ont fait avec ce qu’ils savaient et ne savaient pas. Depuis, il y a eu de nombreuses études et recherches qui nous en apprennent davantage sur l’enfant, la maturité de son cerveau, ses émotions, etc. 

J’entends souvent que c’est difficile de faire autrement, que ce n’est pas possible car les autres collègues ne sont pas dans la même démarche ou qu’on a pas les moyens humains et financiers (dans les structures) et je l’entends bien. Pour l’avoir vécu, je le comprends parfaitement mais on se met une limite en pensant ainsi. On peut faire preuve de créativité et trouver des solutions. Et si les autres pros n’ont pas la même volonté, pensez au colibri 🙂

Pour ceux qui sont intéressés par ton accompagnement, que doivent-ils faire ?

Nous proposons des formations dans le Grand Est, dans la région Pays de la Loire et la région Auvergne Rhône Alpes. Elles sont toutes recensées sur notre site : https://sylety.fr/formations/ et il est possible de remplir le bulletin d’inscription en ligne.

Concernant les livres, une page de notre site y est dédiée : https://sylety.fr/nos-livres/

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